Pour la saison hivernale 2025-26, c’est Marina, paysanne en maraichage et grandes cultures, qui a répondu à nos questions.
Merci à elle et bonne route !

Qui es tu et quel est ton parcours ?
Marina, ingénieure agronome de formation, diplômée en 2014. Je rencontre Baptiste pendant mes études. Lui mûrit le projet de reprendre la ferme familiale pendant son parcours étudiant. Moi, je n’ai pas prévu de m’installer mais je le suis en Charente.
Je travaille de 2015 à 2017 dans un syndicat d’eau potable, avec pour mission d’accompagner les agriculteur.ices et acteurs du monde agricole aux changements de pratique pour réduire les pollutions sur la ressource en eau, pour qu’il y ait moins de traitement pour rendre l’eau potable au robinet.
Ce travail me fait réaliser qu’il y a un gros boulot à faire sur les changements de pratiques agricoles, et encore je rencontre des agriculteurs ouverts à cette idée et avec une volonté de mieux faire.
En parallèle, je suis le projet d’installation de Baptiste, nous avons beaucoup de discussions sur les enjeux agricole et sur l’opportunité de reprendre une ferme et de montrer que c’est possible de produire autrement.
Finalement ça coule de source, il faut se lancer. Donc, je m’installe avec Baptiste en 2019.
Ta ferme et ton projet en quelques mots ?
Notre ferme passe en bio en 2008 avec Jean-Paul et Patricia, les parents de Baptiste. Ils créent l’atelier maraîchage en vente directe, et ils rejoignent un GIE (SAS) pour les grandes cultures. Ils n’ont pas de salarié.e permanent.e, que des saisonnier.es.
En 2016, Baptiste arrive sur la ferme en tant que salarié pour peaufiner son projet d’installation et faire la passation. A partir de septembre 2017, je travaille à la ferme à mi temps et je fais des formations, visite de ferme etc. le reste du temps pour peaufiner mon projet d’installation.
En juin 2018, Baptiste s’installe et crée avec ses parents une EARL. En août 2019 je m’installe, associée à parts égales avec Baptiste. Nous lançons un atelier de transformation pour valoriser les surplus de production. Crise COVID, guerre en Ukraine, crise du bio, inflation et arrivée d’un bébé... on arrête le labo de transfo fin 2022, on se recentre sur le maraîchage et on réduit aussi la voilure sur les grandes cultures.
Quand je deviens maman en 2021, cela amène un grand chamboulement sur l’organisation de la vie (répartition des tâches déséquilibrée, charge mentale plus conséquente, moins de reconnaissance sur le travail) et même sur celui fait à la ferme car je suis moins présente que Baptiste que ce soit physiquement à la ferme ou dans la représentation extérieure...
Finalement, c’est le fait que Baptiste se casse la jambe en octobre 2023 (trois mois d’immobilisation puis rééducation) et le décès de Jean-Paul qui va nous faire "exploser" et décider de nous faire accompagner par une personne extérieure. Cela va nous aider à rééquilibrer les choses et nous donner l’élan de continuer notre travail.
Notre priorité : se sortir un revenu, alléger notre charge mentale, pouvoir avoir du temps pour rénover notre maison et être présent auprès de notre fils. Bref vivre dignement et avoir un équilibre perso/pro.
Aujourd’hui en 2025, nous sommes deux paysan.nes associé.es, trois salariés temps plein à la production maraîchage, une salariée à 60% assistante polyvalente (suivi des vente, préparation des commandes, vente...) et deux saisonniers, sur 93 ha au total : entre 5 à 6 ha cultivés pour le maraîchage et 83 ha dédiés au grandes cultures.
Pourquoi es-tu paysanne aujourd’hui, ce que tu veux voir naître sur ma ferme ?
Une opportunité de développer un modèle agricole résilient, qui peut servir de référence.
Un modèle paysan où l’on prend soin du vivant : aggradation de la biodiversité et bien-être des hommes et des femmes.
Une ferme qui permet de vivre dignement grâce à une rémunération juste et équitable, où la coopération et le partage sont incarnés.
Une structure qui contribue à former des futur.e.s paysan.ne.s, en complément de l’activité de production permise par une équipe pérenne.
Une rencontre ou une expérience décisive pour ton projet ?
Baptiste bien sûr, mais aussi Jean-Paul et Patricia.
Avec une transmission de ferme que je souhaite à tout le monde !
Des cédants prêts a écouter et accepter que nous avions une vision un peu différente de la leur. Que nous souhaitions développer l’atelier maraîchage et lui donner une autre dimension.
Jean-Paul surtout est resté présent sur les premières années pour nous aider, faire part de son expérience mais en nous laissant faire nos essais erreurs.
Un suivi, un accompagnement, une présence sans être intrusif.
La place de l’agriculture paysanne dans tout ça ?
Au cœur du projet ! Quelques exemples :
Autonomie : dans la prise de décision (vente directe, choix du prix de vente) et dans les apports (utilisation de BRF issue de nos haies)
Lien avec le territoire : 100 % des légumes vendus en Charente et création d’emploi
Répartition : dans le travail en collectif pour diminuer la pénibilité
Prendre soin de son environnement : choix de la bio, plantation de Haies, Maraîchage sur Sol Vivant
Qualité : production labellisée AB
Transmission : accueil d’organismes de formation (étudiants et professionnels) et nos choix dans les investissements ou sur la question de l’habitation (à l’extérieur de la ferme)
Une image, une odeur, un son que tu aimes particulièrement sur ta ferme ?
Un son : le chant des oiseaux nichés en nombre dans les haies qui entourent la ferme. C’est juste du bonheur de sentir la vie et de l’entendre.
Une image : Un chantier de notre équipe de récolte ou de plantation, qui se passe dans la bonne humeur. Au-delà du travail, c’est un moment d’échange.
Une odeur : L’odeur des légumes (surtout fenouil, céleri ou melon) dans le camion quand nous partons en livraison.