ARDEAR CVL - Un réseau engagé et militant pour l'Agriculture paysanne

Paroles de paysannes : Sylvie

Témoignage de Sylvie Deteix, paysanne à Vitry-aux-Loges (45 Loiret). Culture de fleurs et plantes aromatiques et médicinales sur une petite surface (moins d’un hectare).

D’hier…

Je suis fille et petite-fille de « petits paysans » en fermage, dans un secteur peu fertile du Loiret. Ils avaient un élevage de bovins et faisaient également un peu de maraîchage (asperges, endives). Mes frères et moi-même avons été encouragés par nos parents à suivre une autre voie et faire des études. J’ai travaillé avec beaucoup de plaisir dans les Ressources Humaines pendant plus de 25 ans, tout en gardant un fort attachement la nature. Je me suis toujours sentie sereine et épanouie au milieu des plantes, des arbres, des fleurs, des senteurs et des couleurs de la campagne et de la forêt.

Il y a quelques années, avant qu’on entende parler de Covid et de confinement, « l’appel de la terre » a été le plus fort : j’ai décidé de quitter le monde de l’entreprise pour suivre les traces familiales.

J’ai rencontré l’Adear 45 en janvier 2021 et j’ai bénéficié pendant une année d’un accompagnement individuel par Romain, animateur installation/transmission. Des stages et des rencontres avec les acteurs locaux de l’Agriculture Biologique m’ont permis de confirmer mon projet d’installation. Mon choix s’est naturellement porté vers ce qui me plaisait le plus : les fleurs et les plantes aromatiques et médicinales. Je cultive en bio depuis le début (les 2 petites parcelles sur lesquelles j’implante mes cultures étaient des prairies naturelles depuis plusieurs dizaines d’années).

… à aujourd’hui

Devenir Paysanne à 50 ans passés, c’est un véritable défi ! Les enjeux de cette reconversion professionnelle sont importants. J’ai quitté un emploi de cadre avec un salaire convenable et peu de risque de perte d’emploi, pour un avenir incertain et un métier peu rémunérateur.

Bien s’entourer et procéder par étapes successives est selon moi une des clés de réussite. C’est pourquoi j’ai choisi d’intégrer en 2021/2022 le dispositif Stage Paysan Créatif proposé par le réseau Adear. Assez rapidement, j’ai décidé également de faire des tests de culture et de commercialisation dans le cadre d’une couveuse d’entreprise, la CIAP CVL (Coopérative d’Installation en Agriculture Paysanne, Centre-Val de Loire). Ce dispositif étant très intéressant, j’ai choisi de rester à la CIAP jusqu’à fin 2023.

Le réseau, un incontournable

Je suis naturellement tournée vers une approche collaborative ; mon expérience m’a confirmé que « seul on va plus vite, à plusieurs on va plus loin ». Je travaille seule sur ma petite ferme florale et aromatique, mais j’ai choisi dès le début de fonctionner en réseau et en complémentarité avec les autres acteurs du territoire, et pas uniquement ceux qui produisent et/ou vendent des plantes aromatiques et des fleurs.

J’ai connu, lorsque mes parents étaient encore en activité, l’entraide entre agriculteurs lors des pics d’activité et la solidarité en cas de difficultés. J’espérais retrouver cet état d’esprit en devenant paysanne et je n’ai pas été déçue. J’ai reçu un très bon accueil de la majorité des producteurs lors des stages ou des visites de fermes ; j’ai été bien accompagnée et conseillée par les acteurs locaux de la Bio et de l’Agriculture Paysanne (Adear, Ciap, BioCentre, Gabor, Afocg), et par la commune de Vitry-aux-Loges. Lorsque j’ai été confrontée à des sinistres et difficultés au cours de l’année 2022, je n’étais pas seule.

Mes choix, mes valeurs, mes « emmerdes »

Je travaille seule, sans mécanisation, en agissant de A à Z (depuis le travail du sol jusqu’à la commercialisation en vente directe sur les marchés). Avec les avantages et inconvénients que ce choix implique. Je me reconnais complètement dans les valeurs de l’Agriculture Paysanne : autonomie, transmissibilité, travail avec la nature, développement local, répartition, qualité. Je me sens très proche du modèle d’agriculture qu’elle défend et des enjeux qu’elle porte. Je souhaite mettre en place un système de production et de commercialisation respectueux de la nature et de la biodiversité, ancré dans le territoire et résilient.

J’ai débuté pleine de rêves, d’idéaux et d’optimisme, avec un peu de naïveté également. Ingrédients bien utiles pour me lancer dans une telle aventure, mais pas suffisants : pragmatisme, rigueur, ténacité sont indispensables. La réalité et les aléas m’ont rapidement ramenée à la réalité, mais ils n’ont pas (trop) entamé ma détermination. Il en faudra plus que l’invasion d’une de mes parcelles par un troupeau à cornes, la grêle, la canicule, le recul des ventes en bio et un Covid long pour me faire plier…Je me sens libre et heureuse quand je cultive, sème, récolte, compose les bouquets, sèche les plantes, prépare les infusions et aromates, et même quand je désherbe à la main (enfin pas trop longtemps quand même !). Je prends un vrai plaisir à échanger avec mes collègues et les clients que je rencontre sur les marchés ou dans les quelques magasins où mes produits sont proposés. J’aime également me poser pour préparer les données chiffrées et documents à transmettre à la CIAP, analyser mes résultats et réfléchir à
l’amélioration de mon système.

Femme et agricultrice ?

Aujourd’hui, nous sommes nombreuses à nous installer comme agricultrices, seules ou en couple. La situation et les comportements ont heureusement bien évolué par rapport aux générations précédentes. Je n’ai pas rencontré de difficultés spécifiques liées au fait que je sois une femme. Je me sens aussi respectée que mes collègues masculins. D’autres agricultrices ont tracé la route avant nous, des pionnières courageuses qui ont fait bouger les lignes.

Je suis une femme, une maman et jeune grand-mère, une « paysanne des fleurs et des plantes aromatiques » et parait-il, une « battante » d’après mon entourage. Je dirais surtout que là où je suis aujourd’hui, ancrée dans le territoire, les pieds et les mains dans la terre, je suis pleinement en accord avec mes valeurs et je me sens complètement à ma place.


Si vous souhaitez témoigner de votre expérience, vous pouvez écrire à l’adresse communication@ardearcentre.org

Pourquoi un appel à témoignages ?
 Pour faire suite au #8mars : journée internationale de lutte pour les droits des femmes
 Donner de la place et de la visibilité aux paysannes pendant tout le mois de mars (et après !)
 Mettre en récit la pluralité des parcours des femmes paysannes
 Proposer de nouveaux imaginaires et permettre aux femmes et minorités de genre qui souhaitent s’installer de s’identifier et s’inspirer !

Merci à nos financeurs :

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